Danse de la lumière
Fascinante rencontre que celle de la danse kathak et de la technique photographique du lightpainting.
Quelques privilégiés, présents aux Orientales de Saint-Florent-le-
Vieil, savent déjà ce que signifie l'association sur scène d'une
calligraphie, ici orientale, et d'une danse, ici indienne. D'autres, plus
voyageurs encore, de passage au World Sufi Spirit Festival de Nagaur
(Rajasthan), n'en ignorent plus rien non plus. Mais pourtant le travail de
Julien Breton sur la calligraphie lumineuse reste encore trop méconnu,
surtout depuis qu'il a mis en relation la technique photographique du
lightpainting et la danse traditionnelle de l'Inde du Nord, le kathak.
Écrire, peindre avec la lumière, c'est le propre même de la
photographie et depuis longtemps des artistes comme Georges Mathieu
ou Picasso avec Gjon Mili ont réalisé des clichés en utilisant la technique
de la calligraphie lumineuse. Sans entrer dans le détail, on peut dire que
ce type de spectacle exige une synchronisation parfaite entre tous les
intervenants et qu'il s'agit davantage d'orchestration que de technologie.
Julien Breton donne sa propre définition de la calligraphie lumineuse :
« L'encre devient lumière, le papier devient photographie, la calligraphie
devient chorégraphie ». Cela fait un moment qu'il réfléchissait à cette
rencontre avec la danse, et en attendant le mariage avec le hip-hop,
Julien Breton a travaillé avec les Mishra, Arjun le père et Anuj le fils,
tous deux maîtres de kathak. De quoi mettre en pratique, en action,
deux éléments essentiels de cette liaison surprenante et magique qui
fait danser la lumière et les danseurs avec elle.
Documentary about the live performance mixing Kathak dance with Anuj Mishra Cie and light calligraphy with Julien Breton.
Il n'est pas surprenant que le kathak – cette tradition chorégraphique
très ancienne de l'Inde du Nord, développée à la fois dans les palais des
empereurs moghols et dans les cours des maharajas hindous (on n'a pas
oublié les images de kathak offertes par le cinéaste indien Satyajit Ray et
la danseuse Roshan Kumari dans le film Le Salon de musique, 1958) –
ait attiré Julien Breton. Passant au fil du temps du statut d'expression
dévotionnelle à celui de danse de plus en plus raffinée, exigeant une
grande virtuosité, avec un corps tourbillonnant et des pieds martelant
le sol dans un dialogue fou de grelots avec les percussions (tabla), la
danse kathak ne pouvait que séduire ce grand artiste du lightpainting.
D'autant plus qu'Anuj Mishra, jeune prodige de 24 ans formé par son
père, Arjun, lui-même élève de Birju Maharaj, possède, outre la beauté
du corps, les qualités requises par l'art du kathak. Sa formation, issue
en droite ligne de la tradition de Lucknow – l'une des trois grandes avec
Bénarès et Jaipur –, lui donne toute facilité pour à la fois exceller dans la
danse pure, abstraite, et l'expression mimée, gestuelle d'une vaste palette
d'émotions et de sentiments.
Jean-Louis Mingalon