Emprunter le matériau musical d'une nouvelle composition à une œuvre existante est une pratique ancienne, extrêmement courante au Moyen Âge et à la Renaissance : jusqu'au XVIe siècle, les messes, par exemple, empruntent très fréquemment leur matériau mélodique soit au chant grégorien, soit à des œuvres vocales préexistantes, y compris des chansons profanes ; on parle alors de « messes parodies ». Toute démarche d'emprunt en musique est ainsi « parodique », au sens premier et étymologique du terme, dépourvu de la teneur critique et humoristique que l'on y attache aujourd'hui : par-odier, en grec ancien, c'est en effet, littéralement, « chanter à côté », élaborer une musique nouvelle sur un chant déjà entendu.
Dans ce cycle intitulé « Emprunts et citations », il ne sera nullement question de citations parodiques au sens moderne, telles qu'on en trouve dans les opérettes d'Offenbach, par exemple, mais bien de compositions de la fin du XIXe siècle et du XXe siècle qui sont de véritables ré-interprétations d'œuvres antérieures. Ainsi, dans ses Lachrymae pour alto et piano, Britten réinvente à rebours la tradition du genre du thème et variations, qui est souvent pour les compositeurs l'occasion de partir de la citation d'une œuvre d'un de leurs confrères pour ensuite la transformer progressivement : ici, le compositeur ne fait entendre le thème choisi, une émouvante lamentation du compositeur anglais de la fin du XVIe siècle John Dowland, qu'en conclusion de l'œuvre, comme si le processus de variations avait conduit, par-delà la distance temporelle, à une re-composition du thème d'origine.