un événement Cité de la musique


6e Biennale d'Art vocal

Pour sa sixième édition depuis 2003, la Biennale d'art vocal fait la part belle au baroque et à ses mises en espace, au lied et aux Schubertiades, ainsi qu'aux pages contemporaines de Heinz Holliger ou de Wolfgang Rihm.

  • Paul Agnew © Pascal Gély

  • Emmanuel Krivine © Philippe Hurlin

  • Hervé Niquet © Eric Manas

  • Thomas Quasthoff © André Rival

  • Christoph Prégardien © Marco Borggreve

  • François-Xavier © Marco Borggreve

  • Nathalie Stutzmann © Simon Fowler

Voix baroques

De San Marco de Venise à Saint-Thomas de Leipzig, des chapelles romaines aux palais londoniens, avec Striggio, Tallis, Monteverdi, Praetorius, mais aussi Schütz, Gabrieli, Bach et Haendel, ce sont deux siècles d'une Europe musicale en espace que le forum du 1er juin se propose d'évoquer. L'ensemble Cantar Lontano s'est illustré par la redécouverte d'une pratique jusqu'alors inconnue : celle du cantar lontano, ce mystérieux « chant de loin ». Pour en comprendre es spécificités, les public devra se rendre dans la Rue musicale, transformée pour l'occasion en nef d'église…

La Messe de Striggio que dirige Hervé Niquet le samedi 1er juin relève d'un style baroque monumental, qui animait également d'autres compositeurs comme Orazio Benevoli. Sous l'immense coupole du Duomo de Florence, à l'occasion de fêtes importantes comme celle de la Saint-Jean (le saint patron de la ville), de telles oeuvres trouvaient à s'épanouir dans la magnificence d'une spatialisation que les musiciens du Concert Spirituel ont soigneusement respectée, en reconstituant la répartition des choeurs dans l'espace du concert.

La basilique St-Marc de Venise

C'est dans la basilique San Marco à Venise qu'est née, aux XVIe et XVIIe siècles, la fastueuse pratique de la division des chœurs (cori spezzati, en italien), répartis dans l'espace pour se répondre en échos infiniment variés. Ce style, qui a commencé à fleurir avec Adrian Willaert (un Néerlandais engagé comme maestro di cappella à San Marco), s'est épanoui avec son successeur, Andrea Gabrieli, pour connaître ses heures de gloire avec le neveu de ce dernier, Giovanni Gabrieli (1553-1612). On en trouve aussi les traces dans les œuvres de Monteverdi. En puisant dans ce répertoire, l'ensemble La Fenice et les choristes du Nederlands Kamerkoor présentent une reconstitution de la plus prestigieuse des cérémonies de San Marco.
Onze des dix-neuf madrigaux du Cinquième livre de Monteverdi, publié en 1605, sont des mises en musique du Pastor fido, une tragicomédie pastorale de Giovanni Battista Guarini. De fait, il règne dans le recueil une certaine théâtralité, souvent rehaussée par des dissonances expressives qui bafouaient les règles de l'harmonie pour mieux servir l'expression du texte. Les Arts Florissants poursuivent ici leur intégrale des madrigaux de Monteverdi entamée en 2011-2012.

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Interview vidéo de Jean Tubéry et Hervé Niquet, extraits...

Voix romantiques

Le samedi 25 mai, la Chambre Philharmonique et le Chœur de chambre Les Eléments interprètent sous la direction d'Emmanuel Krivine La Première Nuit de Walpurgis de Felix Mendelssohn. Après l'avoir entendue dans une version remaniée en 1843, Berlioz donna libre cours à son enthousiasme. En mettant en musique les vers de Goethe, Mendelssohn créait en réalité un genre : la ballade chorale, illustrée plus tard par Schumann et Brahms.

En 1843, lorsque Berlioz orchestra la quatrième mélodie de ses Nuits d'été, il le fit pour la chanteuse Marie Recio, qui partageait sa vie. Le compositeur ne s'attaqua aux cinq autres mélodies que bien plus tard. Achevée en 1856, la version orchestrée fait notamment ressortir les détails pittoresques : les bois distillent des gouttes de rosée dans la Villanelle initiale, les cordes assourdies et la harpe contribuent au mystère du Spectre de la rose… La musique de scène de Mendelssohn pour l'Athalie de Racine, donnée ici par Laurence Equilbey dans sa version originale en français, fait sonner le chœur et l'orchestre avec une variété et un raffinement de timbres dignes des symphonies et du Songe d'une nuit d'été.

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Week-end lied


Christoph Prégardien © Marco Borggreve

Pour la première fois, la Biennale d'art vocal de la Cité de la musique consacre un week-end entier au lied, ce genre intimiste né avec le romantisme, mais qui a depuis traversé les époques. Ses poésies magnifiques racontent en effet la naissance de la sensibilité romantique allemande, la fascination réciproque entre la France et l'Allemagne, les concerts dans les salons viennois, les sombres heures dans le ghetto juif de Terezin…

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Interview de Christoph Prégardien, extraits...

Article sur la musique à Terezin, vidéo, extraits...

Voix contemporaines

Dans ses années de folie, Hölderlin signait les quatrains qu'il écrivait en utilisant des pseudonymes étranges – Scardanelli était l'un d'eux – et en les datant de siècles passés ou de mois à venir. C'est en hommage à ce « dernier » Hölderlin que Heinz Holliger a rassemblé pour le concert du jeudi 30 mai des pages composées entre 1975 et 1991, afin de constituer un cycle. La Scardanelli-Zyklus de Holliger ne cesse de surprendre et d'émouvoir par ses inventions sonores, depuis l'harmonica de verre évoquant l'hiver jusqu'à la rythmique autonome de chaque chanteur qui suit son propre pouls.

Le lundi 10 juin, la soprano Donatienne Michel-Dansac rend hommage à la cantatrice Cathy Berberian (1925-1983) ; un hommage aussi à ce que cette dernière appelait « l'évidence du pouvoir de parole de la voix chantée ». Ce programme met en écho quelques pièces majeures du répertoire de Cathy Berberian, avec des pièces plus récentes, notamment une création pour voix seule de Georges Aperghis.
Inscrit au programme du concert du samedi 15 juin, Klangbeschreibung II de Wolfgang Rihm est une oeuvre pour quatre voix, cinq instruments à vent et six percussionnistes, sous-titrée Innere Grenze (« frontière intérieure »). On y entendait résonner, isolés les uns des autres et flottant comme des bribes sans phrase, des mots empruntés à Nietzsche (Le Voyageur et son ombre). L'œuvre fait pendant à une création du compositeur espagnol Alberto Posadas (né en 1967), pour six voix, ensemble et électronique. Complétant le programme, les Jubilees de Magnus Lindberg (2003) sont la version orchestrée d'une pièce pour piano écrite en 2000, pour les soixante-quinze ans de Pierre Boulez.

Photos : Grete Stern, Rêve nº 35 : sans titre, Buenos Aires, 1949
Heinz Holliger © Christian Steiner
Felix Mendelssohn © BNF